JE SUIS une abeille sauvage et solitaire. Je suis considérée comme un insecte pollinisateur généraliste (ou polylectique). J'ai une préférence pour le pollen et le nectar des rosacées (ronce commune, aubépine, églantier...), mais je me délecte également sur les fleurs de nombreux fruitiers tels que les pruniers, les amandiers, les cerisiers, les pommiers, les abricotiers, les pêchers... J'apprécie aussi les saules et les légumineuses parmi lesquelles l'acacia, le mimosa, le trèfle... Ce menu varié fait de moi - et des autres abeilles sauvages - un pollinisateur essentiel pour la multiplication des plantes sauvages et cultivées. Contrairement aux abeilles sociales mellifères qui vivent en colonies (avec leur reine et les ouvrières...), pas de hiérarchie chez nous ! Seulement des mâles et des femelles. Je me distingue de la femelle par une pilosité blanche sur la tête ainsi que par mes antennes plus longues. La femelle a une espérance de vie plus longue... Nous ne constituons pas de colonie, nous pouvons cependant nicher en petits groupes si les abris naturels ou artificiels sont suffisamment nombreux.
Pendant près de 10 mois, je fais une diapause à l'état d'imago, sorte d'hibernation où mon métabolisme ralentit jusqu'au retour de la saison des amours. Je suis l'une des premières abeilles de l'année à émerger dès les beaux jours de mars. J'attends comme les autres mâles que les femelles sortent à leur tour du nid. J'emploie ma courte vie à assurer ma descendance. Mon rôle en tant que mâle se cantonne à la reproduction.
L'osmie a la faculté de pouvoir choisir le sexe de l'œuf qu'elle pond. Les cellules les plus proches de l'entrée des galeries du nid contiennent des mâles qui se développent plus rapidement que les femelles installées au fond de la galerie.
La femelle construit son nid à proximité de ressources florales où elle fera de nombreux aller-retours (jusqu'à 14h / jour lorsque le temps est favorable) pour chercher du pollen qu'elle récolte sur ses pattes et du nectar qu'elle aspire. Elle utilise (ou ré-utilise) des galeries horizontales (abritées ainsi des gouttes de pluie) naturelles ou non qu'elle nettoie : tiges creuses des herbacées ou à moelle des ronces et de certains arbustes comme le sureau, troncs morts, anfractuosités dans un mur, interstices dans les châssis de fenêtres... parfois même des coquilles d'escargot. L'humidité printanière va lui permettre d'utiliser la boue pour maçonner la structure interne des galeries et boucher le nid. Elle pond chaque œuf dans une cellule ou alvéole sur un mélange de pollen et de nectar qui servira à nourrir les larves. Elle construit en enfilade une quinzaine de cellules du fond de la galerie à son entrée, séparant les alvéoles avec une paroi en argile. La dernière cellule est fermée par une paroi épaisse maçonnée avec de la terre meuble destinée à protéger le nid des prédateurs et parasites. Une fois sortie de son œuf, la larve consomme son stock de pollen en 15 à 20 jours. Ensuite elle tisse un cocon où elle se transformera en nymphe. Il faut environ 19 semaines aux larves pour devenir adultes (imago) avant l'hiver, mais elles resteront en phase cocon jusqu'au printemps prochain (la fameuse diapause). Puis le cycle de vie recommence...
L'osmie ne fait pas de miel. La femelle forme des petites boules avec le nectar mélangé au pollen qu'elle stocke dans les cellules du nid pour les futures jeunes abeilles.
Malgré la protection du nid, le taux de mortalité de notre progéniture est très élevé. Plus de 60% de nos larves ne parviennent pas à l’état adulte. De nombreux parasites profitent des brèves absences de la femelle partie récolter les provisions pour pondre leurs œufs sur le sien. Les larves de ces parasites (diptères ou hyménoptère) dévorent la nôtre. Les moisissures qui se développent font également des ravages...
A cause de l'agriculture intensive, l'osmie cornue a disparu de la plupart des zones rurales. Elle survit mieux dans certains milieux urbains : les friches, les espaces verts publics, les jardins ou même les balcons des immeubles où elle peut utiliser tous types d'anfractuosités pour nidifier.
Ce sont les activités de l'espèce humaine qui ont le plus contribué à notre disparition comme celle de tous les autres apidés par la détérioration des paysages riches en fleurs (notre source vitale), la dégradation des zones boisées (notamment le gyrobroyage qui détruit nos abris naturels). Nous perdons ainsi notre gîte et notre couvert : nous peinons à trouver des endroits pour construire notre nid (les sites de nidification étant dégradés) et nous nourrir (les ressources alimentaires se faisant rares). D'autre part, la panoplie de produits chimiques que l'homme utilise pour pratiquer son agriculture intensive nous empoisonnent malgré notre rôle crucial de pollinisateur pour les cultures : engrais chimiques, pesticides, insecticides (en particulier les néonicotinoïdes), herbicides, fongicides...
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Des idées pour aider les osmies
planter arbres, arbustes et fleurs
En créant un espace, un jardin, un balcon ou un rebord de fenêtre favorable aux insectes pollinisateurs, les chances de l'osmie pour se nourrir augmentent. Ne pas planter de plantes traitées chimiquement ! pour ne pas empoisonner les pollinisateurs... Dans le doute, se procurer plutôt des plants ou arbustes et/ou des graines biologiques de type mellifères (fleurs natives, des herbes et des variétés traditionnelles) dont certains assureront une floraison dès la mi-mars (début de l'activité des osmies), d'autres jusqu'à l'automne. Veiller à ce que les graines soient reproductibles pour récupérer les nouvelles graines formées une fois la floraison terminée, puis resemer dans la foulée si la saison le permet ou l'année suivante. Pour les jardins, si possible laisser pousser une zone « sauvage » non tondue pour laisser les fleurs et plantes sauvages s'épanouirent et offrir gite et couvert aux insectes et abeilles. Petite explosion de biodiversité assurée !
Quelques exemples de plantes mellifères :
Quelques semenciers où se procurer des graines :
héberger les osmies
- Option 1 : Récupérer une bûche de bois non traité chimiquement (bouleau, chêne, hêtre) d’au moins 15 centimètres de longueur et de 20 centimètres de diamètre. Percer des trous d'au moins 10 cm de profondeur, de diamètre variable de 5 à 10 mm en les espaçant de 2 cm environ et en évitant de transpercer complètement la bûche.
- Option 2 : Récolter des tiges creuses de plantes non traitées chimiquement types ronces, sureau, roseau ou bambou. En partant du « noeud » qui sépare un morceau de la tige d’un autre, mesurer 15 cm minimum puis couper. Fabriquer autant de morceaux que nécessaire pour remplir un cylindre type tuyau de gouttière, tube de canalisation, boite de conserve propre. Réunir les tiges en fagot bien serré avec un fil de fer ou autre puis les insérer dans le morceau de tuyau ou boite de conserve.
> Placer si possible ces nichoirs à 30 cm du sol minimum (3 m maximum) au soleil, orientés au sud, à l’abri des intempéries et près d’une zone fleurie.
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